Depuis 2006, la législation européenne réglemente l’utilisation des fluides frigorigènes fluorés, dans le cadre de sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est la réglementation dite F-gas.
Cette réglementation introduisait beaucoup de nouveautés et de contraintes dès 2006, centrées sur la recherche d’un bon confinement (éviter les fuites). Parmi les mesures les plus importantes : la certification des opérateurs (entreprises) et de leur personnel, ainsi que l’obligation de mettre en place un suivi des installations avec des contrôles périodiques.
Le texte initial a été complété et durci en 2014, avec l’introduction d’un mécanisme dit de phase-down et des interdictions de mise sur le marché ciblées par application. De manière simplifiée, le phase-down consiste à fixer un quota de mise sur le marché de gaz fluorés (exprimé en tonnes équivalent CO2) qui se réduit graduellement sur 15 ans. À l’époque, cette réglementation avait été jugée particulièrement contraignante par la profession. Mais quelques années après son entrée en vigueur, les efforts conjugués de l’ensemble de la filière ont permis d’atteindre ces objectifs.
Fort de ce succès, contrainte par des accords internationaux (protocole de Montréal, accord de Kigali) et à la poursuite d’objectifs toujours plus ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (paquet climat énergie « FIT FOR 55 »), l’union européenne a profité du processus de révision du texte pour pousser le curseur encore plus loin. Dans cet article, nous ferons le point sur les principales dispositions du texte en vigueur. Puis nous expliciterons le processus législatif en cours qui devra aboutir un nouveau texte dans les mois qui viennent. Néanmoins, nous ne traiterons pas des obligations liées à la qualification des opérateurs, au confinement des installations, au contrôle d’étanchéité, etc…. qui sont présentes depuis 2006. Nous nous intéresserons principalement aux aspects qui conditionnent la disponibilité des fluides sur le marché ainsi qu’aux interdictions d’utilisation sectorielle.
Le texte en vigueur au 31 mai 2023 est le « Règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement Européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés ». Deux points clés limitent très concrètement l’utilisation des fluides frigorigènes et imposent aux industriels et aux équipementiers de revoir la conception de leurs produits et de leurs installations. Les restrictions F-Gas de mise sur le marché
C’est la disposition qui limite l’usage de certains fluides frigorigènes de la façon la plus évidente. Elle est portée par l’article 11 et par l’annexe III. L’annexe III liste les interdictions sectorielles. Elle concerne de nombreux équipements, allant des réfrigérateurs ménagers aux installations de réfrigération centralisées pour supermarché, avec des restrictions plus ou moins importantes et éloignées dans le dans le temps. Plusieurs sont en vigueur depuis longtemps et ont donné lieu à des changements d’équipement depuis longtemps digérés par le marché comme le froid ménager. D’autres sont plus récentes ou arrivent à court terme, en particulier pour les systèmes de climatisation en split. Le tableau suivant, récapitule les interdictions les plus prégnantes.
Produit/équipement concerné | Echéance |
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Réfrigérateurs et congélateurs à usage commercial (équipements hermétiquement scellés) contenant des HFC dont le PRP est supérieur ou égal à 2 500 | 1 er janvier 2020 |
Réfrigérateurs et congélateurs à usage commercial (équipements hermétiquement scellés) contenant des HFC dont le PRP est supérieur ou égal à 150 | 1 er janvier 2022 |
Équipements de réfrigération fixes qui contiennent des HFC dont le PRP est supérieur ou égal à 2 500, ou qui en sont tributaires, à l’exception des équipements destinés à des applications conçues pour refroidir des produits à une température inférieure à – 50 °C | 1 er janvier 2020 |
Systèmes de réfrigération centralisés multipostes à usage commercial d’une capacité nominale supérieure ou égale ou à 40 kW et qui contiennent des gaz à effet de serre fluorés dont le PRP est supérieur ou égal à 150, ou qui en sont tributaires, à l’exception des circuits primaires de réfrigération des systèmes en cascade dans lesquels des gaz à effet de serre fluorés dont le PRP est inférieur à 1 500 peuvent être utilisés | 1 er janvier 2022 |
Équipements de climatisation mobiles autonomes (équipements hermétiquement scellés déplaçables d’une pièce à l’autre par l’utilisateur final) contenant des HFC dont le PRP est supérieur ou égal à 150 | 1 er janvier 2020 |
Systèmes de climatisation bi-blocs qui contiennent moins de 3 kg de gaz à effet de serre fluorés et qui contiennent des gaz à effet de serre fluorés dont le PRP est supérieur ou égal à 750, ou qui en sont tributaires | 1 er janvier 2025 |
Le mécanisme de phase-down, même s’il n’introduit aucune interdiction formelle, et sans doute celui qui contraint le plus la disponibilité des flux de frigorigène à moyen terme. Le principe est le suivant : chaque frigorigène être associé à un PRG (ou PRP, ou GWP), le potentiel de réchauffement global. Ce chiffre quantifie le réchauffement induit par le fluide en comparaison au CO2. Pour établir le niveau de base, on prend l’ensemble des quantités de fluides frigorigènes mises sur le marché sur la période 2009-2012, convertie en tonnes équivalent CO2. Puis à partir de ce niveau de départ des quotas sont distribués aux metteurs en marché des fluides frigorigènes. Et ces quotas sont progressivement réduits par tranche de 3 ans. Étant donné que les quotas sont exprimés en tonne équivalent CO2, les fluides ayant le PRP le plus faible sont de facto favorisés puisqu’ils permettent au metteur en marché de proposer plus de volume. A terme, en 2030, les autorisations de mise sur le marché prévu par la version actuelle du texte ne représentent que 20% de la base. Les quantités de fluides mis sur le marché auront donc été divisés par 5. Le graphique suivant illustre ce processus.
C’est ce mécanisme, plus que les interdictions sectorielles, qui va limiter l’usage de fluide à fort PRG, puisque les quotas concernent l’ensemble des quantités mises sur le marché, aussi bien les installations neuves que la maintenance. Or, cette dernière « consomme » par construction des fluides à plus fort PRG, dans des installations qui peuvent dater du siècle dernier. Les inventaires annuels montrent non seulement que la maintenance consomme des fluides à plus fort PRG, mais aussi que ce secteur représente un plus fort tonnage que le neuf…
La « F-Gas » est un règlement européen. Il s’applique donc de fait dans l’ensemble des pays de l’Union, sans qu’une traduction dans le droit de chaque état ne soit nécessaire. Sa version actuelle a remplacé en 2014 la version initiale (qui était d’ailleurs une directive). C’est ce processus de révision qui est à l’œuvre en ce moment et qui va aboutir à une nouvelle règlementation qui remplacera la version actuelle. A l’été 2022, la commission a proposé un texte révisé, qui introduit un phase-down plus ambitieux et de nouvelles interdictions sectorielles. F-Gas
Cette proposition a été accueillie avec fraicheur par les professionnels du secteur, qui l’ont trouvée trop contraignante. La commission environnement du Parlement, sous la houlette de son vice-président Bas EICKHOUT, elle, l’a plutôt trouvé trop timorée et a proposé une version encore plus drastique, qui a été voté par le Parlement Européen en mars 2023.
Place désormais au trilogue entre la Commission européenne, les représentants du Parlement Européen, et le Conseil Européen (constitué des dirigeants des Etats membres), pour aboutir à un texte qui pourra être adopté et entrer en vigueur. La date de prise d’effet au 1er janvier 2024 semble compromise, mais la volonté de l’Union d’aller vite sur ce sujet. A suivre. Pour aller plus loin, on décryptera très prochainement la proposition de la commission et celle du Parlement.
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